Virus COVID-19 : quelques précautions à l’usage des entreprises
Jacques Perotto et Arielle Duchene
La préservation de la santé des salariés est une obligation qui s’impose à tous les employeurs et les situations d’épidémie, voire de pandémie, ne font pas exception.
Mais quelle est l’intensité de cette obligation pour les entreprises lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare le 30 janvier dernier une urgence de santé publique de portée internationale s’agissant de l’épidémie actuelle de coronavirus ?
Le 28 février 2020, le Ministère des Solidarités et de la Santé a publié une série de questions / réponses, à destination des entreprises et des salariés, qui tente de répondre aux interrogations que peut susciter cette épidémie.
Le télétravail est-il une réponse pertinente ?
La crise du coronavirus est avant tout un problème de santé publique ; à ce titre, la question ne peut être évidemment pas appréhendée dans l’entreprise comme un risque lié au travail proprement dit.
Pour autant, et à l’instar du droit de retrait prévu par l’article L.4131-1 du Code du travail qui prévoit la possibilité pour un salarié de se retirer d’une situation de travail qu’il jugerait susceptible de mettre sa santé en jeu, l’employeur, tenu par son obligation de sécurité, doit prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour préserver la santé de ses collaborateurs.
Aussi, face à une épidémie à forts risques pour la santé, le télétravail présente l’avantage de permettre la continuité de l’activité professionnelle tout en préservant la santé de ses salariés.
Peut-on l’imposer aux salariés ?
En cas de passage à un niveau 3 de risque en France, un employeur pourrait-il demander à ses salariés de travailler de leur domicile et sanctionner sur un plan disciplinaire le collaborateur qui refuserait de se soumettre à cette décision ?
L’article L. 1222-11 du Code du travail prévoit expressément qu’en cas d’épidémie ou de force majeure, l’employeur peut organiser le télétravail considéré alors comme un aménagement de poste rendu nécessaire, sous le contrôle du juge, pour permettre la continuité de l’activité tout en préservant la santé du salarié, sans que les salariés ne puissent s’y opposer.
Une circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009, intervenue à l’époque dans le contexte de l’avancée de la grippe A / H1N1 et visant à préparer les entreprises à une pandémie, précise également qu’une modification du contrat de travail est envisageable, y compris en suspendant l’activité professionnelle du salarié pendant la période de transmission de la maladie ; sont visés les cas de salariés revenant de zones géographiques à risques. En revanche, s’agissant d’un problème de santé publique, l’employeur ne serait pas tenu de fournir des équipements de protection.
L’employeur peut-il imposer à ses salariés de prendre des congés payés ?
Contrairement au télétravail, qui peut être contraint si les circonstances l’exigent, l’employeur n’a pas la possibilité d’imposer à ses salariés la prise de congés payés. Toutefois, l’employeur peut modifier les dates de congés payés déjà posés par ses collaborateurs si la situation le requiert.
Les salariés peuvent-ils exercer leur droit de retrait ?
Il n’est pas non plus impossible qu’en situation de crise, un salarié décide de faire jouer son droit de retrait en estimant que se rendre à son travail lui fait courir des risques supplémentaires pour sa santé ; tout dépendra de la situation réelle et soumise à l’appréciation du juge en cas de contestation. Toutefois, on doit noter que la mise en quarantaine ou « quatorzaine » ainsi que les soins médicaux constituent une prescription médicale impérative ayant pour effet de suspendre le contrat de travail et, par voie de conséquence, rendant impossible l’exercice du droit de retrait (Cass. Soc, 9 octobre 2013 n°12-288).
Quelle indemnisation de la Sécurité sociale ?
Au plan législatif, un décret a d’ores et déjà été pris le 31 janvier 2020 (D. n°2020-73 du 31 janvier 2020) qui prévoit le versement des indemnités journalières de sécurité sociale sans délai de carence en cas d’atteinte d’un salarié par le virus Covid-19.
Comment les entreprises se sont-elles déjà emparées du sujet ?
La plupart des groupes internationaux, particulièrement concernés par le sujet du fait notamment de la mobilité géographique de leurs collaborateurs à travers le monde, n’ont pas tardé à prendre leurs dispositions pour, sinon éviter totalement l’exposition au risque, en diminuer les impacts potentiels pour leurs salariés :
– Information aux salariés sur les zones géographiques les plus touchées ;
– Précautions à prendre en fonction du niveau de risque attribué à chaque pays (Exemple : niveau 3 pour la Chine et la Corée du sud) ;
– Recommandations pour l’organisation du travail quotidien, toujours en fonction du niveau de risque attribué à chaque pays : éviter les conférences publiques, favoriser les réunions téléphoniques (mise à disposition de kit de communication à distance via ordinateur ou autres avec guides) et le télétravail ;
– Recommandation d’hygiène et équipements de protection ;
– Communication de Q&A (Questions & Answers) répertoriant les questions les plus fréquentes ;
– Contacts et liens internet utiles ;
– Explications sur les raisons d’une mise en quarantaine et les symptômes auxquels il faut prêter attention ;
– Responsabilités de chaque collaborateur vis-à-vis des tiers en général et de sa famille en particulier.
Jacques Perotto et Arielle Duchene, Avocats en droit social