Vers un renversement de la charge probatoire de l’originalité d’une œuvre ?
Corinne Thiérache et Adrien Bansard
Le Sénat a enregistré le 6 juillet dernier une proposition de loi visant à rééquilibrer le partage de la charge de la preuve dès lors que l’originalité d’une œuvre est contestée en justice, conformément aux préconisations du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) tirées de son rapport rendu le 18 décembre 2020.
A ce titre, le CSPLA et les soixante-quatre sénatrices et sénateurs proposent de modifier l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle comme suit (nous mettons en gras) :
« Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit originales, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Il appartient à celui qui conteste l’originalité d’une œuvre d’établir que son existence est affectée d’un doute sérieux et, en présence d’une contestation ainsi motivée, à celui qui revendique des droits sur l’œuvre d’identifier ce qui la caractérise ».
Si l’ajout du terme « originales » au sein premier alinéa tend à codifier les exigences jurisprudentielles afin d’exclure certaines œuvres du champ de protection du droit d’auteur, la création du second alinéa renverse la charge de la preuve au profit de celui qui conteste l’originalité.
Les contentieux relatifs au droit d’auteur démontrent qu’il est souvent délicat pour le titulaire des droits d’auteur de justifier de l’originalité de son œuvre et il devra se livrer presque constamment à cet exercice puisqu’il s’agit de la ligne de défense classique du côté du prétendu contrefacteur.
Cet alinéa renverse ainsi la charge de la preuve de l’originalité en conférant une présomption d’originalité à l’œuvre dont il appartiendra en premier lieu au défendeur d’en contester l’existence de manière « motivée » de telle sorte que ses arguments fassent naître un « doute sérieux » sur l’originalité.
Les termes « motivée » et « doute sérieux », volontairement larges, doivent permettre de laisser place à une interprétation in concreto par les juges du fond.
Il sera ainsi intéressant de suivre l’évolution de cette proposition de loi dont l’impact, en cas de codification, sera considérable sur les futurs contentieux en droit d’auteur.
L’équipe du département Propriété Intellectuelle du cabinet Alerion Avocats se tient naturellement à votre disposition pour vous accompagner et vous conseiller au mieux dans le cadre de l’utilisation de vos créations ou celles de tiers et de vos contentieux au titre des droits d’auteur attachés à celles-ci.
Par Corinne Thiérache Associée et Adrien Bansard Avocat du Département Propriété intellectuelle du Cabinet ALERION AVOCATS.