La réintégration du salarié expatrié est-elle inconditionnelle ?
Jacques Perotto et Maxime Hermes
La problématique de la réintégration des salariés à l’issue d’une période d’expatriation peut générer des situations conflictuelles :
– Pour l’employeur : la réintégration du collaborateur est souvent vécu comme une contrainte car il est compliqué de trouver un poste susceptible de correspondre aux aspirations du collaborateur, en particulier lorsque les durées d’expatriation ont été longues ;
– Pour le salarié : le poste proposé peut ne pas correspondre à ses aspirations car vécu comme un déclassement ; ce retour peut également constituer une opportunité pour contester la qualité du poste de reclassement et négocier son départ.
L’obligation légale en la matière, prévue à l’article L. 1231-5 du Code du travail, se limite à une réintégration dans un emploi compatible avec les fonctions précédemment occupées, à condition que l’expatriation soit organisée depuis une société mère vers une filiale à l’étranger.
Définir avant le départ le cadre du retour présente donc un intérêt : cela d’autant que le collaborateur est généralement, à cette époque de la relation contractuelle, réceptif à ce type de discussion …
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En pratique, les questions suivantes se posent :
– Les règles légales de réintégration (cas d’une expatriation mère / fille) ou conventionnelles s’appliquent-elles ? Si oui, l’entreprise souhaite-t-elle aller au-delà de ses obligations ?
– Si les règles légales ne s’appliquent pas (cas d’une expatriation entre sociétés sœurs par exemple), quel serait le périmètre de la réintégration ? Sur quel type de poste ? A quel niveau hiérarchique ? Les éventuelles évolutions du salarié lors de son expatriation seront-elles prises en compte à son retour ?
– Comment le salarié se projette dans son retour ?
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Un récent arrêt de la Cour de cassation (Cass. Soc., 10 nov. 2021, n°20-10.954) illustre la source de sécurisation que constitue la définition contractuelle des conditions de retour.
Au retour d’une expatriation dans une autre société du groupe, un salarié prend acte de la rupture de son contrat, considérant que la proposition de ces deux postes, ainsi que l’absence de proposition d’un autre poste disponible à l’étranger, semblable à celui qu’il occupait lors de son expatriation, sont constitutifs d’un harcèlement moral.
La position du salarié est considérée comme illégitime : l’expatriation avait eu lieu dans une société sœur et non dans une filiale, de sorte que l’obligation légale ne s’appliquait pas. S’agissant du contrat, qui, du coup, faisait la loi des parties, il était prévu que « lorsque le salarié expatrié reprendra son travail dans la société d’origine, il lui sera offert un poste et des conditions de travail tenant compte de l’expérience acquise à l’étranger et de la disponibilité des postes dans la société d’origine » : cette clause n’imposait donc à l’entreprise ni de proposer un poste dont le niveau soit strictement identique au poste précédent, ni d’effectuer des recherches dans d’autres filiales.
Cette décision illustre l’opportunité pour les groupes internationaux d’engager en amont la discussion avec leurs collaborateurs expatriés sur le cadre dans lequel s’effectuera le retour à la fin du détachement ou de l’expatriation.
Jacques Perotto, Associé et Maxime Hermes, Avocat.