Régime mère-fille : la quote-part de frais et charges de 5% a bien la nature d’une imposition
Philippe Pescayre, Julien Lebel et Juliette Allot
Par une décision du 5 juillet 2022 (SA AXA, n°463021), le Conseil d’Etat, saisi dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, invalide la doctrine administrative (BOI-IS-BASE-10-10-20 n°100). Il reconnaît que la quote-part de frais et charges (« QPFC ») de 5%, que les sociétés mères françaises qui perçoivent des dividendes dans le cadre du régime mère-fille doivent réintégrer à leur résultat taxable, a la nature d’une imposition.
Dans le cadre du régime mère-fille, les dividendes reçus par une société mère sont en effet exonérés d’impôt sur les sociétés à l’exception d’une QPFC fixée à 5% (ou 1% dans certaines situations) qui doit être réintégrée au résultat taxable de cette dernière (article 216 du Code général des impôts).
Lorsqu’une société mère reçoit des dividendes d’une filiale étrangère, qui ont donné lieu à une retenue à la source dans l’Etat de la filiale, cette retenue à la source ouvre droit à un crédit d’impôt en France, qui est toutefois plafonné au montant de l’impôt français dû à raison de ces dividendes. Dans sa doctrine, l’administration fiscale considère les produits de participation comme étant des revenus exonérés, et refuse de considérer l’IS payé sur la QPFC comme une imposition des dividendes, dans la mesure où elle est destinée, comme son nom l’indique, à couvrir les frais et charges engagés par la société mère. L’administration en tire pour conséquence pratique que l’impôt étranger ne peut pas être imputé sur l’IS français à raison de la QPFC.
Pour le Conseil d’Etat, les dispositions de l’article 216 du Code général des impôts n’ont pas uniquement pour objet de neutraliser la déduction des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d’impôt sur les sociétés. Elles visent bien à soumettre à l’impôt une fraction des produits de participations bénéficiant du régime mère-fille. Le Conseil d’Etat tire cette conclusion du caractère forfaitaire de la QPFC, qui n’autorise pas la société mère à limiter le montant de la réintégration au montant réel des frais et charges exposés en vue de l’acquisition ou la conservation des revenus.
Cette position était celle attendue puisque le Conseil d’Etat transpose aux dividendes la solution qu’il avait déjà adoptée à l’égard des plus-values de cession de titres de participation (CE 15 novembre 2021, Air Liquide, n°454105). Il avait reconnu, prenant déjà à l’époque à contre-pied la doctrine administrative, que la QPFC de 12% sur les cessions de titres de participations étrangères avait la nature d’une imposition sur laquelle pouvait être imputé un crédit d’impôt étranger.
Si cet arrêt pose les premiers jalons d’une imputation des crédits d’impôt étrangers sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de cette QPFC, une clarification serait bienvenue quant aux modalités de mise en œuvre de cette imputation, et particulièrement sur le montant du crédit d’impôt étranger pouvant être imputé sur l’IS français. Des précisions sont notamment attendues sur le point de savoir s’il faut considérer l’intégralité de l’IS supporté à raison de la QPFC comme une imposition, ou n’en retenir qu’une partie, en fonction des frais réellement engagés.
Malgré ces incertitudes, il est néanmoins important de prendre date par le dépôt de réclamations contentieuses. Nos équipes sont à votre disposition pour évoquer ces sujets, et vous accompagner dans cette démarche.
Philippe Pescayre, Associé, Julien Lebel, Counsel et Juliette Allot, Collaboratrice.