PLF 2024 : Quel impact sur votre IFI ?
Stanislas VAILHEN et Maxime SNIEGULA
Une nouvelle restriction à la déductibilité des dettes souscrites par les sociétés.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, dont la première partie est considérée comme adoptée par les députés en première lecture, comporte un article qui durcit les règles d’évaluation des titres de sociétés dans le cadre de l’IFI. Pour mémoire, l’IFI couvre le patrimoine immobilier détenu directement ou indirectement par les personnes physiques. Lorsque des actifs immobiliers sont détenus au travers d’une société, l’impôt est calculé sur la fraction de la valeur des parts correspondant aux actifs immobiliers détenus. Pour déterminer cette valeur, il faut d’abord déterminer un coefficient de taxation, correspondant au ratio d’actifs immobiliers imposables détenus par la société. Ce ratio est ensuite appliqué à la valeur vénale des titres, qui est quant à elle obtenue après déduction des dettes de la société.
Des règles anti-abus encadrent ou excluent la prise en compte de certaines dettes, notamment lorsqu’elles sont contractées par la société, directement ou indirectement, auprès du redevable, des personnes de son foyer fiscal ou de son groupe familial (CGI, art. 973, II et III). Ces règles anti-abus visent toutefois uniquement les dettes contractées par la société pour l’acquisition d’un actif taxable et pour la réalisation de travaux sur celui-ci. Les autres dettes contractées par la société, en particulier celles qui n’ont aucun lien avec un actif immobilier imposable, sont quant à elles déductibles sans restriction.
La prise en compte de ces « autres dettes » aboutit à réduire la valeur imposable des titres de la société, peu importe que celles-ci soient liées ou non aux actifs immobiliers imposables détenus par la société. C’est notamment le cas lorsqu’une société détenant un actif immobilier acquiert un actif non taxable financé par de la dette. Dans cette hypothèse, la valeur vénale des titres reste inchangée (la valeur de l’actif étant par hypothèse compensée par le montant de la dette correspondante) mais le « ratio d’immobilier imposable » est automatiquement diminué, réduisant par voie de conséquence la valeur imposable à l’IFI des titres, alors même que le patrimoine immobilier de la société est resté identique.
Cet exemple illustre la limite des règles actuellement en vigueur, et l’opportunité que peut parfois présenter la détention d’un patrimoine immobilier au travers de sociétés patrimoniales (ou via l’interposition de plusieurs sociétés) en matière d’IFI, sans que l’objectif de diminuer l’IFI n’ait nécessairement été recherché au moment de structurer l’acquisition. Il met en tout état de cause une différence de traitement non recherchée selon que les acquisitions sont réalisées en nom propre ou via l’interposition de sociétés.
Afin de corriger cette discordance, le PLF 2024 complète les règles anti-abus déjà applicables en prévoyant que « les dettes qui sont contractées directement ou indirectement par un organisme ou une société et qui ne sont pas afférentes à un actif imposable » ne seraient désormais plus prises en compte pour la valorisation de la fraction des parts ou actions imposables.
Toutefois, sous couvert de réparer une inégalité de traitement entre les biens détenus en nom propre et ceux détenus, indirectement, par l’intermédiaire de sociétés, cette nouvelle règle risque en réalité de se révéler très pénalisante pour les biens détenus au travers de sociétés, et l’impact risque d’être parfois non négligeable !
Cette disposition pose en tout cas de nombreuses questions en pratique, la première étant de déterminer quelles sont les dettes « qui ne sont pas afférentes à un actif imposable », visées par le texte. Quel sera le traitement des dettes intragroupes ? Ou encore celui des dettes de refinancement ? Quid des dettes liées à l’entretien ou à l’administration de l’immeuble ?
On peut également s’interroger sur les conséquences de cette nouvelle règle « anti-abus » lorsque l’immobilier imposable ne représente qu’une faible part du patrimoine de la société. Dans certaines situations, la non-déduction des dettes sans lien avec l’immobilier pourrait aboutir à une évaluation des titres supérieure à la valeur des actifs immobiliers de la société ! Le projet prévoit, certes, une règle de plafonnement de la valeur immobilière des titres pour le calcul de l’IFI, qui ne pourrait pas excéder sa valeur réelle de marché, mais ce plafond ne permettrait pas nécessairement d’éviter cet écueil en cas de détention immobilière via plusieurs structures interposées.
En voulant corriger une différence de traitement considérée comme anormale entre la détention d’actifs immobiliers en nom propre et par l’intermédiaire de sociétés, la Loi de finances va en réalité, si le projet reste en l’état, aller bien au-delà de l’objectif affiché, et pénaliser parfois lourdement les contribuables qui possèdent leur patrimoine immobilier au travers de sociétés. Sans compter qu’elle va également créer de nouvelles difficultés d’interprétation d’un dispositif qui en comporte déjà beaucoup.
L’équipe du département fiscal se tient à votre disposition pour évoquer l’impact qu’auraient ces nouvelles règles sur votre base imposable à l’IFI 2024.
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