Les ordonnances sociales COVID-19 (suite)
Jacques Perotto, Jean-Christophe Brun et Benoît Dehaene
Prime Macron, elle revient ! Et elle est deux fois plus forte !
La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 que nous vous présentions dans notre newsletter du 24 mars 2020 annonçait le retour de la « prime Macron », dispositif permettant aux entreprises qui le souhaitent de verser à leurs salariés une prime totalement défiscalisée et sans charges sociales.
L’ordonnance modifiant la date limite et les conditions de versement de cette prime exceptionnelle a été présentée hier matin en Conseil des ministres et publié ce jour au journal officiel, ainsi que d’autres ordonnances, dont notamment une relative (i) aux missions des services de santé au travail, et une autre relative (ii) aux institutions représentatives du personnel (IRP).
Nous vous les détaillons ci-après.
Prime Macron
Instaurée en 2019 à l’occasion de la crise des gilets jaunes, la « prime Macron » permettait aux entreprises qui le souhaitaient de verser à leurs salariés une prime d’un montant maximum de 1.000 euros, exonérée de charges sociales et totalement défiscalisée pour le salarié.
Reconduite en 2020 mais uniquement pour les entreprises bénéficiant d’un accord d’intéressement, le ministre de l’économie avait déjà annoncé sur son compte tweeter que, pour faire face à la crise et récompenser les salariés poursuivant leur activité dans le contexte sanitaire actuel, la condition tenant à la conclusion d’un accord d’intéressement serait supprimée pour les entreprises de moins de 250 salariés.
L’ordonnance publiée ce matin en Conseil des ministres va encore plus loin que ce qu’annonçait le ministre :
– Elle reporte la date limite de versement de la prime du 30 juin 2020 au 31 août 2020 ;
– Elle permet à toutes entreprises, quels que soient ses effectifs et qu’elles soient dotées ou non d’un accord d’intéressement, de verser une prime d’un montant maximum de 1.000 euros, exonérée de cotisations et contributions sociales ainsi que d’impôt sur le revenu ;
– Pour les entreprises dotées d’un accord d’intéressement, le plafond de 1.000 euros est relevé à 2.000 euros ;
– La possibilité de conclure un accord d’intéressement d’une durée dérogatoire (soit une durée inférieure à 3 ans, sans pouvoir être inférieure à 1 an) est prorogée jusqu’au 31 août 2020 (au lieu du 30 juin 2020) ;
– Toutes les entreprises, dans les limites précisées ci-avant, peuvent tenir des conditions de travail des salariés durant l’épidémie, pour moduler le montant de leur prime, dans le but affiché « de récompenser plus spécifiquement les salariés ayant travaillé pendant l’épidémie de covid-19 ».
Naturellement, nous nous tenons à votre entière disposition pour vous assister dans la rédaction d’un tel accord si vous souhaitiez récompenser vos salariés bravant le contexte épidémique.
Missions des services de santé au travail
Pour faire face à l’épidémie de Covid-19, les modalités d’exercice des services de santé au travail sont aménagées afin de leur permettre de poursuivre leurs missions et notamment le suivi de l’état de santé des salariés.
Au plus tard, jusqu’au 31 août 2020, il est prévu que :
– les services de santé au travail participent à la lutte contre la propagation du covid-19, notamment par la diffusion de messages de prévention à l’attention des employeurs et des salariés, l’appui aux entreprises dans la mise en œuvre de mesures de prévention adéquates et l’accompagnement des entreprises amenées à accroître ou adapter leur activité ;
– le médecin du travail peut prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19 et procéder à des tests de dépistage du covid-19, selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail et dans des conditions définies par décret ;
– la possibilité de reporter les visites médicales prévues dans le cadre du suivi de l’état de santé des travailleurs, sauf lorsque le médecin du travail les estimera indispensables. On pense notamment aux travailleurs de nuit, travailleurs handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité, mineurs, femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes ;
– la possibilité de reporter les autres catégories d’interventions dans ou auprès de l’entreprise sans lien avec l’épidémie (études de poste, procédures d’inaptitude, réalisation de fiches d’entreprise, etc.), sauf si le médecin du travail estime que l’urgence ou la gravité des risques pour la santé des travailleurs justifient une intervention sans délai ;
– les visites ou interventions reportées doivent être organisées avant une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2020.
Mesures d’urgences relatives aux IRP
Enfin, le Gouvernement prend toute une série de mesure pour permettre la continuité du fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
Nous attirons tout particulièrement l’attention de nos clients qui n’auraient pas respecté l’échéance du 31 décembre 2019 pour se mettre en conformité avec leurs obligations relatives à la première mise en place du comité social et économique (CSE), qu’une nouvelle chance s’offre à eux !
Il est notamment prévu :
– La suspension des processus électoraux en cours à compter du 12 mars 2020, ou de la date de l’accomplissement de la dernière formalité électorale intervenue après le 12 mars 2020. Cette suspension prendra fin 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
L’ordonnance rappelle que (i) la suspension du processus électoral entre le 1er et le 2nd tour n’affecte pas la validité du 1er tour et (ii) que les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date de chacun des deux tours.
– L’obligation pour les employeurs d’engager le processus électoral dans les 3 mois de la fin de l’état d’urgence. Sont concernés, non seulement les employeurs dont l’obligation d’engager le processus nait durant la période de suspension instaurée par l’ordonnance, mais également ceux qui, bien que soumis à l’obligation d’organiser les élections des représentants du personnel, n’auraient pas engager le processus avant la publication de cette ordonnance.
C’est donc une nouvelle opportunité de se mettre en conformité avec l’obligation d’avoir mis en place un CSE pour ceux qui n’auraient pas respecté la première échéance du 31 décembre 2019.
Nous sommes à votre disposition pour évoquer avec vous les risques encourus à défaut de respecter cette obligation électorale, et surtout, contrairement parfois aux idées reçues, les opportunités qui peuvent s’offrir à vous avec la présence d’un CSE !
– La prorogation des mandats et de la protection spécifique dont bénéficient les représentants du personnel (en ce compris les candidats aux élections) jusqu’à la proclamation des résultats au premier tour des élections, ou, le cas échéant, au second tour ;
– Une dispense pour l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la période de suspension instaurée par cette ordonnance intervient moins de 6 mois avant le terme des mandats en cours ;
– La visioconférence devient la règle pour l’organisation des réunions du CSE et autres instances représentatives du personnel.
A défaut d’accord avec les élus, le nombre de visioconférences est en principe limité à 3 par années civiles.
Jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, les réunions des instances représentatives du personnel peuvent se tenir par visioconférence et même par conférence téléphonique.
En cas d’impossibilité d’organiser la réunion par visioconférence ou conférence téléphonique, l’employeur peut même avoir recours au dispositif de messagerie instantanée.
Le département social du cabinet Alerion se tient à votre entière disposition en cas de questions, notamment via notre hotline dédiée.
Jacques Perotto, Jean-Christophe Brun et Benoît Dehaene, Avocats en droit social.