La nouvelle règlementation sur les sites et sols pollués
Philippe Mathurin et Fahima Gasmi
La Loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 « d’accélération et de simplification de l’action publique » dite loi « ASAP » a été publiée au JO du 8 décembre 2020.
La majorité des nouvelles dispositions entrera en vigueur le 1er juin 2022.
S’agissant de la partie environnement de cette Loi, l’article 57 est venu modifier les dispositions relatives aux sites et sols pollués et à la cessation d’activité des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE).
Le décret d’application a été publié au Journal Officiel le 21 août 2021.
Quels sont les principaux points à retenir de ce décret ?
1. L’information sur les sites et sols pollués (SIS)
Il convient d’ores et déjà de préciser que cet ajout n’était pas prévu par la loi ASAP et qu’il a été intégré au Code de l’environnement par le décret.
Rappelons que l’article R.125-43 du Code de l’environnement excluait du périmètre des secteurs d’information sur les sols (ci-après SIS), les terrains emprises des ICPE en exploitation et en cours de cessation d’activité.
Cet article est modifié et permet d’intégrer aux SIS lesdits terrains lorsque l’exploitant de l’installation classée à disparu ou est insolvable et que cette installation a fait l’objet d’une mise en sécurité conforme à la règlementation ICPE.
Nouveauté également, les mines en exploitation y compris en cours d’arrêt des travaux sont désormais listées dans les exclusions des SIS.
2. La réhabilitation des sites et sols pollué (articles R.512-39-3 pour les ICPE soumises à autorisation et R.512-46-27 pour les installations relevant du régime de l’enregistrement
L’exploitant dispose d’un délai de six mois à compter de l’arrêt définitif de son installation pour transmettre au préfet un mémoire de réhabilitation précisant les mesures prises ou prévues pour assurer la protection de l’environnement et/ou de la santé publique.
L’apport du décret est de permettre à l’exploitant de différer, sur demande expresse et justifiée, la réhabilitation ainsi que les opérations de détermination de l’usage futur du site.
Ainsi l’exploitant doit notifier au préfet son intention de reporter la réhabilitation et transmettre un exposé des justifications associées à cette demande sous un certain délai.
Le préfet statuera ensuite sur cette demande en précisant notamment :
• Les mesures conditionnant la libération des terrains concernés ;
• L’information préalable requise avant la mise en œuvre de l’opération de réhabilitation ;
• La réévaluation périodique de la justification du report.
A observer que l’absence de réponse du préfet dans un délai de quatre mois vaut refus de la demande.
3. L’introduction d’une attestation par une entreprise certifiée
Désormais, l’exploitant doit faire attester de la réalisation des travaux de réhabilitation par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestation de services dans ce domaine.
Un arrêté viendra définir le référentiel auquel doit se conformer cette entreprise et les modalités d’audit mises en œuvre par des organismes certificateurs ainsi que leurs conditions d’accréditation.
Le texte précise que l’entreprise fournissant l’attestation de l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site peut être la même que celle qui a réalisé le mémoire de réhabilitation mais non celle qui a réalisé les travaux.
4. Substitution du tiers demandeur par un autre tiers demandeur
Désormais, un autre tiers intéressé peut se substituer au tiers demandeur avec l’accord de celui-ci et de l’exploitant en adressant une demande au préfet.
Le décret ajoute un alinéa à l’actuel article R.512-76 du Code de l’environnement, lequel détaille la procédure applicable et précise que le silence du préfet pendant plus de deux mois après la réception de la demande de substitution au tiers demandeur vaut rejet.
5. Attestation de mise en sécurité pour certaines ICPE soumises à déclaration
Pour les ICPE soumises à déclaration, l’obligation de fournir une attestation par une entreprise certifiée se limite à la mise en sécurité du site.
La liste des rubriques concernées est fixée par le nouvel article R.512-66-3 du Code de l’environnement « celles-ci ont été sélectionnées principalement sur la base de la dangerosité des substances mises en œuvre et du retour d’expérience des DREAL ».
6. Révision de l’usage futur en cas d’impossibilité technique imprévue
Concernant les installations soumises à autorisation et à enregistrement, désormais, en cas d’impossibilité technique engendrant des surcoûts manifestement excessifs pour la réhabilitation des terrains, l’exploitant peut transmettre au préfet un mémoire présentant les travaux réalisés, les travaux prévus non-réalisés et les difficultés rencontrées.
Ce mémoire exposera également les justifications permettant d’apprécier ladite impossibilité de satisfaire aux prescriptions.
Après consultation du Maire ou du Président de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme et des propriétaires des terrains concernés, le préfet pourra réviser l’usage déterminé et modifier en conséquence les prescriptions applicables.
Enfin, notons que le décret précise bien « après la réalisation des travaux de réhabilitation, le Préfet pourra prendre, si nécessaire, des mesures de surveillance, de conservation de la mémoire du site, ainsi que des restrictions d’usage ».
Ainsi, le décret marque la volonté du ministère de la transition écologique de ne pas remettre en cause le pouvoir de police du préfet qui peut intervenir à tout moment dans les opérations de réhabilitation des sites et sols pollués.
Philippe Mathurin, Associé et Fahima Gasmi, Counsel en Droit de l’environnement