Loi « attractivité » du 13 juin 2024 : Consécration législative de la chambre commerciale internationale à la cour d’appel de Paris (CCIP-CA)

18 juillet 2024
Jacques Bouyssou, Marie-Hélène Bartoli Vallet & Luana Nilsen

La loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France, publiée au Journal officiel le 14 juin 2024, a pour objectif de renforcer l’attractivité de la place financière de Paris et d’améliorer les conditions économiques, juridiques et fiscales pour les entreprises opérant en France, avec une attention particulière portée à leur compétitivité sur la scène internationale.

Parmi les dispositifs introduits par cette nouvelle législation, l’article 25 insère un nouvel article L. 311-16-1 dans le Code de l’organisation judiciaire, consacrant les compétences spéciales de la cour d’appel de Paris (section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre III), comme suit :

Article L. 311-16-1 : La cour d’appel de Paris, qui comprend une chambre commerciale internationale, connaît :

1° Des recours en annulation des sentences rendues en matière d’arbitrage international, dans les cas et les conditions prévus par le code de procédure civile ;

2° Des recours contre une décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d’exequatur d’une sentence rendue en matière d’arbitrage international, dans les cas et les conditions prévus par le même code.

Cette disposition qui octroie à la cour d’appel de Paris une compétence exclusive pour connaître des recours contre les sentences d’arbitrage international, leur reconnaissance ou leur exequatur, retiendra l’attention de tous les praticiens de l’arbitrage. Son incidence sur l’article 1519 du code de procédure civile, qui à ce jour dispose que les recours en annulation doivent être portés devant la cour d’appel du ressort où la sentence a été rendue, devra être prise en compte par le pouvoir règlementaire.

Ce n’est toutefois pas ce point sur lequel nous attirons l’attention du lecteur. L’article précité vient, pour la première fois, institutionnaliser l’existence de la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris (CCIP-CA).

La CCIP-CA était jusqu’alors instituée à droit constant au sein de la cour d’appel de Paris, tout comme la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris (CCIP-TC), sans texte législatif ou règlementaire dédié, leurs spécificités étant définies par les Protocoles de procédure signés le 7 février 2018 par les présidents des juridictions concernées et le Barreau de Paris.

L’absence de cadre législatif ou règlementaire consacrant ces formations a pu être soulignée comme un frein à leur visibilité et à leur développement, aucune d’elle ne possédant le statut de juridiction autonome. Lorsque les Protocoles évoquent la « compétence » de ces chambres, ils désignent en réalité l’affectation des dossiers par simple mesure d’administration judiciaire au sein du tribunal de commerce ou de la cour d’appel de Paris qui sont les véritables juridictions saisies de l’affaire (V. la préface de la Première Présidente de la Cour de cassation, Chantal Arens, ainsi que les contributions du Président de la CCIP-CA François Ancel et de Maître Alban Caillemer du Ferrage au colloque du 14 juin 2019 consacré aux chambres commerciales internationales, dont les actes sont publiés à la RLDA 2019/152, suppl., n° 6819 et 6920).

Le constat dressé depuis lors est celui d’une connaissance encore limitée, par les acteurs du commerce international, de la CCIP-CA qui n’a pas encore eu, à notre connaissance, l’occasion d’être saisie par application d’une clause attributive de juridiction la visant expressément. Ses dossiers lui sont essentiellement attribués par le double jeu des règles de compétence internationale et de la répartition des affaires au sein de la cour d’appel, qui résulte d’une décision d’administration judiciaire échappant au contrôle des parties.

L’inscription dans la loi de la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris – en attendant une consécration similaire de sa pendante au sein du tribunal de commerce de Paris – marque donc un pas décisif vers la pérennisation des chambres commerciales internationales, renforçant leur visibilité sur la scène internationale dans le domaine du contentieux des affaires. Nul doute qu’elle contribuera de manière significative à renforcer la sécurité juridique et l’efficacité des clauses attributives de juridiction désignant ces chambres internationales dans les contrats de commerce international.