La promesse de vente dans les clauses de drag along (Cass. Com., 27 novembre 2024 n°23-10.385)
Karine Khau Castelle
Retrouvez l’éclairage de Karine Khau-Castelle dans notre dernier article.
Par l’arrêt du 27 novembre 2024, la Cour de cassation énonce que la qualification expresse d’une clause de drag along en « promesse de vente » dans un pacte d’actionnaires entraîne l’invalidité de ladite clause en cas d’indétermination du prix.
En l’espèce, la clause litigieuse intitulée « Obligation de cession » stipulait que « dans le cas où une offre ferme d’acquérir exclusivement la totalité des titres de la société représentant 100 % du capital social et des droits de vote de la société adressée par un (ou des) tiers et/ou un (ou des) associé(s) (ci-après l’acquéreur), […] l’ensemble des signataires du présent pacte s’engage irrévocablement à céder conjointement à l’acquéreur la totalité de ses titres […]. Chacun des associés reconnaît que les dispositions qui précèdent valent promesse de vente de ses titres ».
Dans cette société composée de 3 associés, l’un d’eux avait proposé aux deux autres le rachat de la totalité de leurs titres mais se heurtant au refus de l’un, a mis en œuvre l’obligation de cession du pacte. L’associé ayant refusé la cession a alors assigné la société et les deux autres associés en nullité de la cession forcée en invoquant l’absence de détermination du prix de cession dans le pacte d’actionnaires. Les juges du fond et la Cour d’Appel de Paris rejettent sa demande en nullité en considérant que la clause litigieuse ne constituait pas une promesse de vente mais une simple « obligation de céder au prix fixé par l’offre ». Dès lors, l’absence de détermination du prix n’affecterait pas la validité de la clause.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel, estimant que le pacte indiquait de manière claire et précise que la clause litigieuse valait promesse de vente. Dès lors, en vertu de l’article 1591 du Code civil, le prix de vente devait être déterminé et désigné par les parties. Dans la mesure où la clause en question ne contenait pas un prix de vente déterminé, ni même les éléments permettant de déterminer le prix, la Cour de cassation a considéré que l’absence de détermination de prix affectait la validité du contrat.
Toute la difficulté résidait dans la qualification de la stipulation comme promesse de vente. Puisque la clause a été qualifiée de « promesse de vente », celle-ci devait alors contenir les éléments essentiels d’un contrat de vente en droit commun, en l’occurrence un prix de vente déterminé ou déterminable. A cet égard, la jurisprudence constante considère que le prix n’est pas déterminable s’il dépend de la seule volonté d’une des parties.
Au cas particulier, le prix de cession a été déterminé unilatéralement par l’associé offrant. Si l’offre déclenchant la mise en œuvre de la clause litigeuse avait émané d’un tiers, la décision des juges aurait-elle été différente ?
En pratique, les clauses de drag along (ou clause d’entrainement ou clause d’obligation de sortie conjointe) qui permettent aux associés majoritaires d’obliger les associés minoritaires à céder leurs actions en même temps qu’eux en cas d’offre de rachat de 100% du capital par un tiers, renvoient au prix proposé par ledit tiers acquéreur.
La question se pose alors de savoir si l’offre d’acquisition d’un tiers est considérée comme un prix déterminable. La détermination du prix par un tiers est admise par la jurisprudence. L’offre du tiers servirait alors de prix de référence en ce qu’elle correspondrait à la valeur réelle des actions dans le marché.