Instauration d’une exonération temporaire de 100.000€ pour les dons familiaux de sommes d’argent
Philippe Pescayre et Julien Lebel
La troisième loi de finances rectificative pour 2020, publiée le 31 juillet 2020, instaure une nouvelle exonération pour les dons familiaux de somme d’argent, dans une limite de 100.000€. Ce dispositif, codifié à l’article 790 A bis du CGI, est toutefois très encadré, non seulement dans le temps mais aussi et surtout dans ses conditions d’application.
Une donation exonérée, qui se cumule avec les autres exonérations déjà en vigueur
Cette nouvelle exonération s’applique aux donations consenties entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 au profit d’un descendant (ou, à défaut de descendance, au profit des neveux ou nièces), sous réserve que les sommes reçues soient affectées, dans un délai de 3 mois, (i) à la souscription au capital d’une petite entreprise, (ii) à des travaux de rénovation énergétique ou (ii) à la construction de la résidence principale du bénéficiaire de la donation.
La limite de 100.000€ est individuelle. Ainsi, les parents pourront transmettre jusqu’à 200.000€ en exonération de droits à chacun de leurs enfants. Elle se cumule par ailleurs avec l’abattement légal (fixé également à 100.000€, renouvelable tous les 15 ans), et à l’exonération de 31.865€ applicable aux dons de sommes d’argent (mais qui, contrairement au nouveau dispositif, est soumis à des conditions d’âge, puisqu’il nécessite que le donateur soit âgé de moins de 80 ans, et que le bénéficiaire de la donation ait au moins 18 ans).
Une donation sans fiscalité, mais pas sans conditions
Le bénéfice de cette exonération suppose que l’argent reçu soit affecté, dans un délai de 3 mois et dans des conditions précises, à l’un des trois usages prévus par le texte :
– La souscription au capital d’une petite entreprise communautaire de moins de 5 ans
Pour être éligible à l’exonération, les fonds doivent être affectés au capital d’une petite entreprise au sens communautaire, c’est-à-dire qui emploie moins de 50 salariés, et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan n’excède pas 10 millions d’euros.
L’entreprise concernée doit par ailleurs exercer une activité de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et avoir son siège de direction dans un Etat de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.
Destiné à favoriser le développement d’entreprises nouvelles ou à soutenir le développement d’entreprises récentes, le dispositif s’applique exclusivement aux entreprises qui exercent leur activité depuis moins de 5 ans, ne sont pas issues d’une concentration et n’ont encore jamais distribué de bénéfices.
Le donataire doit par ailleurs s’engager, à compter de la souscription et durant les 3 années suivantes, soit à exercer son activité principale dans la société (pour les sociétés soumises à l’impôt sur le revenu), soit à y exercer une fonction de direction donnant lieu à une rémunération normale et supérieure à la moitié de ses revenus professionnels (pour les sociétés soumises à l’IS).
Cette dernière condition pourra parfois être difficile à respecter, le dispositif s’adressant exclusivement à des entreprises nouvelles ou récentes. Elle posera par ailleurs une difficulté pour les personnes qui souhaiteraient bénéficier de l’aide au retour à l’emploi (ARE) pour créer leur entreprise, la rémunération perçue ayant un impact sur le montant de l’allocation.
Enfin, l’exonération de droits de donation ne pourra pas se cumuler avec d’autres avantages fiscaux, en particulier avec la réduction d’impôt « Madelin » pour souscription au capital d’une PME (codifiée à l’article 199 terdecies-0 A du CGI).
– La réalisation de travaux énergétiques
Les sommes données peuvent également être affectées à des dépenses de rénovation énergétique réalisées dans la résidence principale du donataire.
Pour bénéficier de l’exonération, le donataire doit être propriétaire de sa résidence principale.
Mais surtout, les travaux effectués doivent être éligibles à la prime de transition énergétique, c’est-à-dire à MaPrimeRénov’, qui remplace progressivement le CITE (crédit d’impôt pour la transition énergétique) et sera applicable à l’ensemble des ménages à partir de 2021 (il reste, jusqu’à la fin de l’année 2020, applicable sous conditions de ressources).
Mais les deux dispositifs ne seront pas cumulables.
De la même manière, l’exonération ne pourra pas se cumuler avec le crédit d’impôt pour dépenses de transition énergétique (prévu à l’article 200 quater du CGI) ou pour l’emploi d’un salarié à domicile.
– La construction, par le donataire, de sa résidence principale
Là encore, le champ d’application de la mesure est très limité, puisque le dispositif s’applique uniquement à la construction d’un bien destiné à être occupé à titre de résidence principale, et non pas à l’acquisition d’un bien déjà construit.
Le texte ne précise pas si de lourds travaux, assimilés fiscalement à une reconstruction, permettront de bénéficier du dispositif.
Si les conditions du dispositif sont ainsi très restrictives, le formalisme est en revanche assez simple. La donation portant sur une somme d’argent, l’intervention d’un notaire ne sera pas obligatoire. Il suffira de souscrire un formulaire de don manuel (n°2735), qu’il conviendra ensuite de présenter à l’enregistrement dans un délai d’un mois.
Il est néanmoins préférable d’être accompagné afin de vérifier, au préalable, le respect des conditions posées par le texte, mais également l’opportunité d’en solliciter l’application. En effet, dans la mesure où il n’est pas possible de le cumuler avec d’autres dispositifs fiscaux, il sera parfois préférable de renoncer au bénéfice de cette exonération temporaire de droits d’enregistrement, surtout si l’abattement légal n’a pas encore été consommé et que la donation n’entraine en tout état de cause pas de droits.
Notre équipe fiscale est à votre disposition pour vous accompagner sur ce sujet, ce qui pourra être l’occasion d’envisager, plus largement, la question de votre planification successorale.
Philippe Pescayre, Associé et Julien Lebel, Avocat en droit fiscal