Indication d’origine et marque : le consommateur ne doit pas être induit en erreur
Corinne Thiérache
L’intérêt croissant des consommateurs pour des produits de qualité, dont l’impact environnemental est plus faible que celui de certains produits d’origines lointaines, a renforcé leur souhait de connaître l’origine des produits qu’ils achètent.
A cet égard, les outils juridiques qui permettent au consommateur d’identifier l’origine des produits et services proposés par une entreprise constituent des instruments d’information du consommateur et de communication commerciale extrêmement précieux pour les acteurs économiques. Ces marqueurs d’origine permettent, en effet, de garantir une qualité, une notoriété ou des caractéristiques du produit et du service du fait de son origine. A ce jour, il existe beaucoup de mentions ou labels qui valorisent l’origine des produits ou services, les indications géographiques et les marques étant les signes distinctifs les plus utilisés par les entreprises.
Inversement, ces signes distinctifs, qui permettent de guider le choix du consommateur, ne doivent pas être utilisés pour l’induire en erreur sur l’origine des produits.
A titre d’exemple, récemment, l’emblématique chocolat TOBLERONE, a été contraint, en vertu de la législation suisse, de changer l’identité visuelle suisse de sa marque pour cause de délocalisation d’une partie de la production du chocolat à Bratislava, en Slovaquie, à partir de l’automne 2023.
Pour mémoire, c’est en 1908 que le chocolat TOBLERONE, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a été confectionné par les artisans suisses Theodore Tobler et Emil Baumann, à Berne, capitale de la Suisse. Pur produit local, l’imagerie du chocolat TOBLERONE cumule les références du pays en représentant le Cervin et l’animal héraldique de Berne, un ours, sur les emballages de chocolat. A cet effet, la marque internationale « TOBLERONE » n°1 533 540, déposée auprès de l’INPI en 2019, protège le packaging du chocolat sur lequel figure, notamment, lesdits symboles suisses. Toutefois, depuis 2017, la Suisse a renforcé sa législation en matière d’indication d’origine afin de préserver la crédibilité du label, de protéger la réputation du pays et de ne pas induire le consommateur en erreur. Désormais, avec la législation Swisness, pour qu’un produit alimentaire puisse être désigné comme « Swiss made », au moins 80% du poids des matières premières utilisées doivent provenir de Suisse. En conséquence, la fabrication du chocolat TOBLERONE étant délocalisée en Slovaquie, elle ne respecte plus les conditions posées par la loi Swisness. A ce titre, l’entreprise ne peut plus utiliser les symboles nationaux suisses, et se voit contraint de retirer l’emblématique mont Cervin de son identité visuelle en adaptant, notamment, sa marque. Ainsi, une nouvelle marque internationale « TOBLERONE » n°1 656 039 a été déposée au début de l’année 2022, reprenant le design d’une montagne cette fois-ci générique.
En France, le made in France, garant, notamment, d’un savoir-faire luxueux et de conditions de travail favorables à l’égard des salariés, est également réglementé par le Code des douanes. Ainsi, pour pouvoir porter la mention « fabriqué en France », le produit doit tirer une part significative de sa valeur d’une ou plusieurs étapes de fabrication localisées en France et avoir subi sa dernière transformation substantielle en France.
En sus des différentes législations qui règlementent les indications d’origine, les droits de propriété intellectuelle sanctionnent la marque qui induit en erreur le consommateur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. Cela s’explique par le fait que la marque ne remplira plus sa fonction de garantie d’origine auprès du consommateur de nature à affecter son comportement économique ; elle aura perdu sa qualité essentielle.
En conséquence, si, au moment du dépôt, la marque est de nature à induire en erreur le consommateur, celle-ci sera qualifiée de trompeuse (article L.711-2 du Code de propriété intellectuelle). Dès lors, l’INPI ou tout tiers pourront soulever la nullité de la marque au moment de son enregistrement ou lors d’un contentieux. A l’inverse, si la marque est valablement enregistrée, mais que c’est au cours de son existence qu’elle devient déceptive, un tiers pourra soulever la déchéance de la marque dans le cadre d’un contentieux de contrefaçon, notamment par une demande reconventionnelle au titre d’une stratégie défensive (article L.714-6 b) du Code de la propriété intellectuelle). Une marque est, par exemple, considérée comme déceptive lorsqu’elle comporte un élément géographique qui ne correspond plus à l’origine des produits.
Désormais, au moment de réfléchir à des changements de politique commerciale, notamment s’agissant du lieu de fabrication des produits, il est nécessaire, pour chaque société détentrice de droits de propriété intellectuelle, de veiller à l’intégrité de sa marque afin d’éviter la nullité ou la déchéance des droits.
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Corinne Thiérache, Associée, et Hanna Le Derrien, élève-avocate à l’EFB