Impatriation fiscale : une pratique d’entreprise également attractive pour les clubs sportifs
Jacques Perotto et Julien Lebel
Si le régime fiscal de l’impatriation est un sujet connu et pratiqué dans les entreprises, il l’est moins dans les clubs sportifs ; ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas pratiqué, loin s’en faut.
Une économie fiscale dont tout le monde peut profiter …
Il s’agit d’un mécanisme prévoyant une exonération des compléments de rémunération versées à des salariés/joueurs recrutés à l’étranger, ce complément pouvant dans certains cas être fixé forfaitairement à 30% de la rémunération nette.
Ainsi, tout le monde peut y trouver son compte puisqu’il permet, en pratique, aux entreprises françaises et aux clubs sportifs de réduire leur masse salariale lorsque la rémunération de l’intéressé est négociée en net après impôt, tout en maintenant le niveau de salaire au salarié/joueur.
Le dispositif permet également au bénéficiaire d’aller au-delà des 30% d’exonération notamment lorsqu’il est amené à travailler à l’étranger (par exemple lorsque le club est qualifié pour des compétitions européennes), sans que l’exonération totale ne puisse excéder 50% de la rémunération nette totale.
Il s’accompagne également d’une exonération partielle de certains revenus patrimoniaux de source étrangère (dividendes, plus-values de cession de droits sociaux).
Enfin, une exonération d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est également applicable pendant 5 années sur les actifs immobiliers détenus hors de France.
… A condition d’en remplir les conditions
Pour ce faire, le joueur/salarié doit notamment avoir passé plus 5 années civiles pleines (et pas 5 saisons) à l’étranger avant de s’installer ou de rentrer en France.
Il est recommandé de prévoir la prime d’impatriation dans le contrat de travail, avant l’installation en France, et de s’assurer qu’elle corresponde à un supplément de rémunération par rapport à celle perçue par des joueurs au profil identique, qui auraient été recrutés en France.
L’exonération peut s’appliquer jusqu’à la fin de la 8ième année qui suit l’installation en France, ce qui suppose toutefois que le joueur ne change pas de club.
Un dispositif construit pour attirer sur le sol français les talents travaillant à l’étranger
Ce qui s’entend pour les salariés des entreprises françaises se comprend tout autant pour les sportifs ; la compétition internationale à laquelle se livrent les clubs du monde entier a incité le législateur à mettre en place des mécanismes incitatifs pour rivaliser avec la concurrence afin d’attirer les meilleurs talents.
C’est l’essence même du texte qui permet de donner quelques armes aux clubs français pour tenter de se faire entendre sur le marché des transferts, cela même si des dispositifs équivalents existent au sein d’autres pays européens ; Paul Pogba sera ainsi le potentiel bénéficiaire du régime d’impatriation fiscale italien en signant son contrat avec la Juventus de Turin après six saisons passées à Manchester United.
Un mécanisme fiscal attractif qui permet de compenser le niveau élevé des charges sociales françaises
Le niveau de charges sociales en France, connu comme étant l’un des plus élevé au monde, ce petit avantage peut parfois faire la différence dans les âpres discussions menées entre les clubs et les agents lors du mercato, en contrebalançant ces cotisations élevées avec une fiscalité plus conforme aux standards des pays voisins.
Ainsi, alors que le taux marginal d’impôt peut, en France, atteindre les 49% (en ajoutant à l’impôt lui-même la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont le taux peut atteindre 4%), ce taux peut redescendre autour de 35% lorsque la prime d’impatriation trouve à s’appliquer.
Jacques Perotto, Associé, et Julien Lebel, Counsel.