L’exercice par le salarié d’une autre activité professionnelle pendant un arrêt de travail ne justifie pas nécessairement son licenciement
Jacques Perotto et Quentin Kéraval
La Chambre sociale est récemment venue confirmer que l’exercice d’une autre activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. (Cass. Soc., 7 décembre 2022, n°21-19.132)
Dans cette affaire, une salariée, employée en qualité d’aide-soignante par une association, est victime d’un accident du travail et est placée en arrêt maladie à compter de mars 2015.
Informé par la CPAM que cette salariée avait, pendant ses arrêts maladie, travaillé de façon régulière pour d’autres employeurs, l’employeur la licencie pour faute grave en septembre 2016 aux motifs donc :
- D’avoir travaillé pour le compte d’une autre entreprise durant ses arrêts de travail sans en avoir informé son employeur ;
- D’avoir omis d’informer son employeur qu’elle percevait les IJSS alors que son salaire avait été maintenu durant ses arrêts de travail.
Sur le plan des principes, une telle situation paraît choquante, au moins pour deux raisons :
- D’une part, parce que l’arrêt de travail paraît injustifié puisque la salariée a repris le travail … mais pour le compte d’un autre employeur ;
- D’autre part, l’intéressée a reçu une double rémunération au titre d’une période au cours de laquelle elle n’est censée recevoir qu’une indemnisation en raison de son état de santé.
Mais ce qui peut choquer l’oreille de certains n’émeut pas nécessairement la Chambre sociale qui ne raisonne pas au regard de la morale mais seulement en droit.
Ainsi, pour la juridiction suprême, l’exercice d’une activité pour le compte d’une société non concurrente de celle de l’employeur pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste par ailleurs pendant la durée de cet arrêt.
En revanche, dès lors que l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail causerait un préjudice à son employeur, celui-ci retrouve la faculté de sanctionner disciplinairement ; étant précisé que ce préjudice doit donc être caractérisé et qu’il ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur, en conséquence de l’arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières de sécurité sociale.
Aussi, la jurisprudence considère qu’en présence d’une activité concurrente, le manquement à l’obligation de loyauté est établi pour justifier une sanction disciplinaire (notamment Cass. Soc., 28 janvier 2015, n°13-18.354 ; Cass. Soc., 9 février 2012, n°10-26.825).
Jacques Perotto, Associé, et Quentin Kéraval, Collaborateur.