Entente de prix entre concurrents en Nouvelle-Calédonie : une première sanction
Catherine Robin
L’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie prononce une sanction de 54 millions FCFP d’amende pour entente illicite sur les prix et les remises dans le secteur agricole (Décision n° 2022-PAC-01 du 25 janvier 2022)
Cette première décision rendue en matière d’entente par l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie concerne le secteur agricole et sanctionne lourdement quatre distributeurs de matériel agricole puissants sur le marché.
L’Autorité entend rappeler de manière dissuasive que les règles de concurrence s’appliquent et produisent tous leurs effets sur le territoire calédonien et particulièrement sur le marché agricole qui joue un rôle clé dans l’économie calédonienne et contribue à des missions d’intérêt général, comme la sécurité alimentaire ou l’aménagement du territoire.
Les quatre entreprises sanctionnées s’étaient mises d’accord sur le prix et les remises des accessoires agricoles. Saisie d’une plainte par un concurrent, l’Autorité rappelle que l’entente horizontale sur les prix est la plus grave des infractions aux règles de la concurrence, en ce qu’elle confisque le bénéfice que les consommateurs sont en droit d’attendre du fonctionnement concurrentiel. La pratique est d’autant plus grave en l’espèce que « les consommateurs ultramarins disposent d’un pouvoir d’achat plus faible qu’en métropole, étant particulièrement captifs et sont par conséquent susceptibles de subir davantage les effets des comportements anticoncurrentiels (…) ».
Selon l’Autorité, l’entente a causé un préjudice certain à l’économie calédonienne, en frappant les acheteurs finaux de matériel agricole, qu’il s’agisse des particuliers pratiquant l’agriculture vivrière comme des professionnels travaillant dans le secteur agricole et des entreprises d’espaces verts « généralement très attachés aux marques de leurs fournisseurs et recherchent une proximité forte avec les distributeurs qui s’occupent généralement de l’entretien de leurs machines agricoles ». L’Autorité souligne que l’entente sur les prix et les remises mise en œuvre lors de la foire de Bourail en août 2017 a, de surcroît, été susceptible de « détériorer lourdement l’image de marque » de cet événement agricole majeur de la Nouvelle-Calédonie auquel participent les professionnels du secteur agricole et le grand public qui ont été trompés.
La dimension modeste du marché affecté et la brièveté des pratiques n’ont pas été retenus comme pouvant atténuer le montant des sanctions. L’Autorité a en effet rejeté toute circonstance atténuante et a prononcé le montant maximum des sanctions encourues, considérant que les entreprises en cause avaient déjà bénéficié d’une large atténuation du montant de l’amende du fait de la nature de la procédure. En renonçant à contester les griefs reprochés et en demandant à bénéficier de la procédure simplifiée, les contrevenantes avaient en effet bénéficié des réductions prévues par les textes : le montant maximum de l’amende est ramené à 2,5 % du montant du chiffre d’affaires au lieu de 5 %, plafonné à 89,55 millions de francs CFP par auteur (art. Lp. 464-2, Lp. 463-3 et Lp. 464-5 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie). Poursuivant son rôle pédagogique, l’Autorité a également ordonné la publication du résumé de la décision dans « Les Nouvelles Calédoniennes ».
Catherine Robin, Associée en charge du département Concurrence.